Clavarder ou chatter?

Clavarder ou chatter?

Dans l’un de nos articles, intitulé Variation géographique et traduction, nous avons montré les différences historiques entre les rapports qu’ont la France et le Québec avec l’utilisation de l’anglais. Rappelons rapidement qu’en France, l’anglais est considéré comme une langue de prestige et qu’il a longtemps été bien vu d’intégrer des mots anglais, sans les franciser, au vocabulaire d’usage courant; au Québec, par contre, l’anglais est perçu comme la langue de la domination, essentiellement pour des raisons historiques. La tendance semble toutefois être en train de changer en France, comme en témoignent certains mouvements, dont celui que nous avons présenté il y a quelque temps et qui concerne le langage SMS.

Dans le domaine des technologies récentes, il n’en demeure pas moins que la tendance en France est à l’intégration de vocables anglais lorsque vient le temps de désigner de nouvelles réalités, alors qu’au Québec, on tend vers la francisation de ces mêmes termes.

Clavarder ou chatter?

La réponse à cette question ne sera pas la même selon l’ouvrage consulté, mais surtout selon le lieu de production de cet ouvrage. Dans Le Petit Larousse et Le Petit Robert, deux dictionnaires conçus en France, on trouve chatter, défini comme étant le fait de « prendre part à un chat », sans aucune marque d’usage[1]. Clavarder le terme recommandé par l’Office québécois de la langue française (OQLF), y est identifié comme étant un régionalisme, c’est-à-dire un terme qui n’est pas employé en France, mais plutôt dans une région de la Francophonie.

L’OQLF, de son côté, rejette l’emploi de chatter ou de tchater (la graphie francisée) : le premier puisqu’il s’agit d’un emprunt direct à l’anglais; le second puisqu’il s’agit d’une adaptation d’un emprunt direct à l’anglais qui entre inutilement en concurrence avec un terme français en usage pour désigner la même réalité, soit clavarder. Il appert alors qu’entre clavarder et chatter, le premier serait à prioriser.

Blogue ou blog?

L’emplacement géographique n’influence pas seulement les termes qui sont en usage, mais est également susceptible d’influencer la graphie de ces termes. Dans Le Petit Larousse et Le Petit Robert, on trouve la graphie blog pour désigner un « site Internet animé par un individu ou une communauté qui s’exprime régulièrement dans un journal, des billets ». Dans Le Petit Robert, on fait état de la graphie blogue en soulignant toutefois qu’il s’agit d’une graphie propre au Québec. Par ailleurs, la recommandation officielle en France n’est pas blog, mais bloc-notes, terme peu attesté au Québec pour désigner cette réalité.

Au Québec, c’est la graphie blogue qui a été retenue, cette dernière ayant été construite à partir du modèle de bogue. Le tout a par la suite donné lieu à la création de formes dérivées telles que blogueur et bloguer. La forme blog est, quant à elle, déconseillée par l’OQLF puisqu’il s’agit d’un emprunt littéral à l’anglais et qu’elle est mal adaptée, du point de vue de la forme, au français, le suffixe -og n’existant pas en français, contrairement à -ogue.

Ces exemples montrent qu’un traducteur qui souhaite traduire des termes associés au domaine de la technologie, ainsi qu’à bien d’autres domaines, doit prendre en considération le lieu de production des ouvrages consultés afin d’être en mesure de s’adapter à son public cible et de s’assurer d’employer les termes appropriés pour correspondre à l’usage sur un territoire donné. C’est notamment ce type de constat qui est à la base de projets d’envergure tels que le dictionnaire Usito, qui souhaite rendre compte de l’usage du français au Québec et en Amérique du Nord, contrairement aux ouvrages traditionnels (comme Le Petit Larousse et Le Petit Robert) qui adoptent le point de vue de la France.

[1] Dans ce cas-ci, une marque d’usage pourrait être « anglicisme : à proscrire ».

Posted on juillet 22, 2015 in Domaine de la traduction

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