Dans notre dernier billet, nous avons discuté des quatre critères d’évaluation qui sont généralement retenus lorsque vient le temps de juger de l’acceptabilité d’un emprunt. L’un de ces critères, soit celui de la conformité ou de l’adaptation de l’emprunt linguistique, permet d’évaluer la capacité d’un emprunt à s’intégrer au système de la langue emprunteuse sur les plans sémantique, phonétique, orthographique et grammatical (possibilité d’accentuation, d’accord en genre et en nombre, de dérivation, etc.). C’est aux considérations liées à ce critère que nous nous intéressons aujourd’hui.
Pour respecter ce critère, les emprunts ne doivent pas avoir de références sémantiques, une graphie et (ou) une prononciation trop éloignées de celles du français, et ce, afin de favoriser une certaine stabilité de la structure linguistique de la langue emprunteuse et d’enrichir cette dernière tout en recourant à ses propres processus de formation lexicale. On dira donc d’un emprunt linguistique qu’il n’est pas adapté au système du français s’il conserve ses « traits » étrangers ainsi que son modèle du point de vue lexical, ce qui l’empêche de s’adapter aux normes et aux règles du français.
La conformité ou l’adaptation sémantique
Il y a conformité ou adaptation sémantique si l’emprunt linguistique permet un ajout de sens sans toutefois entraîner de confusion avec d’autres dénominations ni causer la disparition d’une importante différenciation lexicale. Ainsi, l’emprunt addiction, au sens de « dépendance », n’est pas accepté parce qu’il est utilisé exactement dans le même sens que le terme d’origine française.
L’adaptation phonétique, orthographique et grammaticale de l’emprunt linguistique
Il s’agit ici de proposer des graphies francisées, reposant sur des règles d’adaptation phonétique, graphique et grammaticale propres au français. Pour ce faire, il faut respecter certains principes.
L’adaptation graphique et phonétique
Harmonisation de la prononciation de la graphie étrangère
On supprime des sons inexistants en français ou on les remplace par des sons français qui s’en rapprochent ou qui sont plus conformes au français (caravanage plutôt que caravaning).
Accentuation et signes diacritiques
On ajoute des accents pour refléter la prononciation française (placebo devient placébo) et on supprime des signes graphiques propres aux alphabets étrangers et qui n’existent pas en français.
Soudure
On tend à favoriser la soudure de formes disjointes (lockout au lieu de lock-out).
L’adaptation grammaticale
Adaptation de suffixes ou de préfixes
Il s’agit, par exemple, d’adapter les formes anglaises se terminant en –er en les francisant par –eur ou –euse (globetrotteur, globetrotteuse), ou encore les formes anglaises finissant en –ing en les francisant en –age (doping devient dopage).
Variation en nombre
Ce sont les règles du pluriel en français qui ont la préséance sur les règles étrangères : un concerto, des concertos (et non concerti, comme c’est le cas en italien).
En somme, le système linguistique s’enrichit au moyen d’emprunts, mais arrive à demeurer relativement stable puisqu’il n’est pas profondément modifié par des prononciations, des graphies, des règles ou des sens étrangers.
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