Langue juridique et lisibilité

Lire un document juridique relève parfois du parcours du combattant. Nous avons tous relu plusieurs fois la même phrase d’un contrat ou autre document du genre pour être bien sûr de comprendre, parfois sans y réussir. D’où le mouvement pour un langage juridique clair que l’on constate notamment dans les domaines de l’assurance et des valeurs mobilières. Nicole Fernbach, en quelque sorte porte-étendard de ce mouvement au Québec, a accepté d’éclairer notre lanterne… en langage clair ! Entretien.

Circuit : En quoi l’engouement récent pour le français juridique clair est-il intéressant pour le traducteur juridique ?

Nicole Fernbach : L’influence grandissante du plain language movement pose des problèmes pour les traductions en général, et surtout pour les traductions officielles. Le droit doit être lisible dans les textes originaux aussi bien que dans les traductions, et ce, en droit civil et en common law. Par conséquent, dès lors que le rédacteur juridique se voit contraint de s’adapter à son lecteur, le traducteur se voit confier un mandat équivalent. Les trois éléments droit-langue-lisibilité sont donc  indissociables.

C. : Que voulez-vous dire par plain language movement ?

N. F. : Il convient de distinguer le plain English de ce qui est devenu, au cours des vingt dernières années, le plain language et le plain legal language. Le plain English trouve ses racines dans l’histoire de l’Angleterre, qui a connu de nombreuses influences étrangères dans son système juridique même. La langue des élites, imprégnée de latin, de français et d’allemand, y était souvent incompréhensible pour le peuple qui s’exprimait en langage de tous les jours, soit la langue courante.

De la simple expression d’une difficulté à s’exprimer est né, vers les années 1960, un mouvement social en faveur du « droit de comprendre ». Il a ensuite été relayé par des juristes et dans d’autres langues que l’anglais, d’où la bannière du plain legal language. Cette évolution s’est rapidement accélérée, jusqu’à gagner d’abord le Commonwealth et les États-Unis, puis plus récemment le reste du monde, à des degrés divers.

Les défenseurs du plain language prônent un style de communication efficace où l’auteur vise à se faire comprendre de son lecteur cible. S’appuyant sur des tests et des indices de lisibilité, ils invoquent des études et expériences de linguistes, comme Rudolph Flesch et Robert Gunning. Pour la langue française, citons la contribution de François Richaudeau.

C. : Pourquoi cette prise de conscience est-elle venue de la culture anglo-saxonne ?

N. F. : L’anglais juridique est plus éloigné de la langue et de l’usage courants que le français juridique. On y trouve pas mal de latin, des archaïsmes, ainsi que des emprunts, surtout au français, qui, bien que lexicalisés, ont perdu leur pouvoir évocateur pour comprendre et faire comprendre le droit.

De plus, la…

Pour en savoir | circuitmagazine.org

Posted on juin 9, 2014 in Domaine de la traduction

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