Variation géographique et traduction

Variation géographique et traduction :

une question de normes et d’usages aux fondements historiques

Le professionnel de la langue qui se pose des questions d’ordre linguistique n’en devient que plus averti; le traducteur qui réfléchit aux faits de langue plutôt que d’appliquer mécaniquement des concepts appris ne peut que produire des traductions plus soignées et éclairées.

Variation géographique et traduction

Par exemple, au Québec, doit-on traduire weekend en recourant au québécisme fin de semaine ou bien doit-on s’aligner sur le modèle français et utiliser week-end? Peut-on conserver un terme anglais tel quel dans une traduction si celui-ci est bien ancré dans l’usage ou bien doit-on respecter ce que prescrit la norme? Comment distinguer les anglicismes qui sont bien implantés, comme cowboy, hockey et waterpolo, de ceux qui sont critiqués au Québec, comme parking, shoping, cake et baby-sitter? D’ailleurs, y a-t-il plusieurs façons de définir ce qu’est un anglicisme? Qu’en est-il de la question de l’emprunt linguistique? Comment un terme anglais est-il normalisé et lexicalisé en français? Pourquoi un autre est-il plutôt proscrit et un néologisme français, créé (pensons, entre autres, au cas de e-mail et courriel[1])? Et les registres de langue (familier, soigné, etc.) dans toute cette histoire?

La France et le Québec : la différence historique

Avant de nous pencher sur ces questions et sur bien d’autres, il importe de parler d’attitudes linguistiques et de situations sociolinguistiques. Le rapport à l’anglais n’est pas le même en France et au Québec, notamment pour des raisons historiques[2]. Ces fondements historiques influencent le rapport actuel à des questions telles que « fin de semaine ou week-end? », « courriel ou e-mail? », « traversier ou ferry? », questions auxquelles les réponses du traducteur ne seront pas les mêmes selon qu’il se trouve au Québec ou en France.

Le Québec : la domination

Au départ colonie française, le Québec (tel qu’on le connaît aujourd’hui) a vécu une rupture avec la France au moment de la Conquête par les Anglais en 1763. Au milieu du XIXsiècle, sous domination anglaise, les Canadiens français en viennent à dénigrer leur façon de parler par rapport à celle des Français, et débute alors un mouvement de dénonciation de l’anglicisation. Dans les années 1940-1960, la chasse aux anglicismes est officiellement ouverte. L’autodénigrement est monnaie courante : on a l’impression de parler une langue déstructurée, opposée au vrai français de la France et truffée d’anglicismes.

La France : le prestige

Contrairement aux Québécois, les Français n’ont jamais senti la menace de l’anglais. En France, le français est une langue dominante, valorisée et dont la valeur socioéconomique ne fait aucun doute. Les emprunts à l’anglais se sont faits et se font encore sans « rapports de force », les Français ne se sentant pas dominés par leurs voisins britanniques. Au contraire, dès le XVIIIsiècle, l’anglomanie (la fascination pour l’Angleterre) a même favorisé l’intégration d’un grand nombre de termes anglais au lexique français.

Et maintenant?

Aujourd’hui encore, variation géographique et traduction sont au goût du jour alors que la question de l’emprunt à l’anglais soulève bien des réticences au Québec, et ce, bien que des termes anglais soient de plus en plus intégrés, notamment par les jeunes générations.

Dans nos prochains billets, nous veillerons à démystifier certaines croyances, voire certains préjugés, et nous répondrons aux questions présentées précédemment et à bien d’autres encore.

[1] Pour en savoir un peu plus sur le sujet :

http://www.granddictionnaire.com/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8353974

[2] Pour une présentation historique plus détaillée : http://www.tlfq.ulaval.ca/pub/pdf/C-110.pdf

Posted on février 20, 2015 in Domaine de la traduction

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